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HISASHI OKUYAMA

     Né en 1943 à Asahikawa au Japon, Okuyama vit en France depuis 1966. Dès sa jeunesse la lecture des « Illuminations » de Rimbaud et plus tard celle de Hölderlin ont déterminé son engagement poétique.

Les premières publications seront chez Clivages au tout début des années 90. Cela fixera la pierre angulaire des œuvres à venir, en particulier « Crissaillements » .

Les paysages de son enfance : montagne et neige et plus tard ceux de Belle-île-en-Mer détermineront sa tonalité froide, aiguë, sèche, transparente, minérale, particulièrement celle du quartz.

Plus tard, avec l’écoute intensive des fugues de Bach, le poète abandonnera ses poèmes pour voix seule

pour une voie poétique autre, celle si particulière de compositions à plusieurs voix.

La rencontre de la peinture sera, elle aussi déterminante, passant de Dürer à Parmiggiani,

d’Enguerrand Quarton ou des védutistes vénitiens à Piranèse, de Van Gogh, Morandi, Tal Coat, Giacometti,

Nemours  à Opalka, Hantaï, de Brunschwig à J.P Schneider ou Slacik, Robert Pillard-Valère, Lucas l'Hermitte

et Ràfols Casamada, Thibaut Okuyama, Michel Roncerel.

Entre temps, d’autres lieux interviendront tels que la Citadelle de Besançon avec « Utinam », Venise,

la Côte d’Albâtre ou la Baie du Mont Saint Michel.

 

Les publications dépassent la cinquantaine et ont fait l’objet d’une donation en 2015 :

NAF 28795 à la Bibliothèque Nationale de France.

 

Les plus récentes :

 Souffle, pour deux voix,  Car toutes les choses en…, pour deux voix, éditions Trames,

Si seul de bleu, pour Mozart, Marques et pertes, pour deux voix en écoutant la deuxième sonate pour violon seul

de Bach aux éditions de la Canopée,

Délié, pour deux voix, Faveur, pour trois voix, Et à et à et à ANDANTEpour deux voix, printemps 2022,

anthologie Triages, éditions Tarabuste et Er Hastellig, édition Trames, été 2023.

Yokohama Le jour du départ, Hisashi Okuyama par les messageries maritimes en 1966.

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Depuis " un coup de dés " écrire des partitions hante les poètes.

C'est ce à quoi Okuyama se consacre après avoir écrit des poèmes pour voix seule.

S'il est rimbaldien , ses poèmes gardent tous " une sauvagerie virginale " et un caractère minéral , il approche Mallarmé

en ce qui concerne la construction ( Mallarmé parle d' "architecture") de ses longs poèmes-partitions d' un seul tenant à 2 , 3 , 4 "voix".

Pour lui aussi , la poésie est quelque chose de sacré qui a à voir avec le rituel , et , si dans son travail , il y a "sauvagerie",

il y a aussi finesse et délicatesse extrêmes.

Autant Mallarmé est "mental", autant Okuyama est "physique". Homme de ville d'un côté, homme de nature , enraciné dans son origine Hokkaïdo dans le nord du Japon de l'autre , mais tous les deux sont des hommes , assis là , à leur bureau jusqu'à

" l'épuisement blanc" , "la fatigue blanche " dit Okuyama.

Chez Mallarmé , la blancheur est tendue sur la page comme un "miroir gelé".

Pour Okuyama , la blancheur est minérale : "J'arrive à quartz ou neige " dit-il.
La blancheur est fécondée par le silence , par l'origine. Ainsi en est-il , par exemple , du poème fugué à deux "voix",

titré " La neigiférie".

Le poète l'atteint par le heurt des mots : "Ma proximité avec Mallarmé, c'est la combinaison des mots tranchants ,

leurs entrechoquements , leurs liaisons solides et aiguës." 


Impossible d'ajouter , de retirer quoi que ce soit.

                                             

                                               " Fleur ou douleur"

 

aucune lacune...

 

"Mes mains sont soudées" dit aussi Okuyama.

 

Mais le plus significatif aussi avec Mallarmé c'est l'héritage musical :

Mallarmé et Debussy

Okuyama et J.S Bach

 

Pour écrire ses poèmes-partitions Okuyama est dans le lignée de Mallarmé et de J.S Bach qu'il écoute chaque jour.

Le jardin des fugues " à 2 voix pourrait être titré "L'art de la fugue". 

"Sept neiges pour une partita " est composé sur la partita n°6 de Bach pour clavier.

Ce que Okuyama recherche dans le poème - partition, c'est de faire ressortir les éclats, leur fixation éphémère et mortelle :

"la fixation taieale des éclats" dit le poète.

A la ligne horizontale du poème monodique classique correspondent en parallèle / simultanéité 2 , 3 , 4 lignes (dites " voix").

Non seulement les mots, les fragments de phrases sont distribués horizontalement, mais , ont dans les poèmes- partitions

des rapports dans la verticalité. 


1      ----------------                                              -----

2      ----------------                        ----------                                         

3                 ---------      -------                                              --------

4                 ---------                        ------

 

                                                   voir Presto " à 4 voix"

                                                                                 


1     ___________                                  ___________                              
2                                ___________       _____                 ______        

                       


                                       Voir "Sept neiges pour une partita " à 2 voix 

Ces superpositions donnent de l'éclat aux mots, de l'intensité aux rapports quasi chimiques , "alchimiques"dit Mallarmé.

 

Cela crée plus de tension , de contrastes , plus d'éclatements , plus de condensation et ouvre de nouvelles possibilités

dans le champ de la poésie. Notons aussi que les blancs chez Okuyama , marquent la respiration.

Les blancs sont comme des micropauses , la mélodie ne coule plus.

Chaque blanc est comme un arrêt très physique, très naturel et cela crée l'attente à l'écoute et le regard peut poser à la lecture

sur les mots placés là. Chaque livre - poème est un tout comme un long souffle tantôt presto, tantôt lento. 


Pour les deux poètes , les émotions sont blanches, froides, aiguës ,violentes une sorte d'incandescence froide les habite. 

 

Chez Okuyama, la blancheur originelle va même jusqu'à être qualifiée de « Blancheur écarlate » ou par entrechoquements des mots

de « funéraire , riante » dans le poème « Sept neiges pour une partita ».

Dans les poèmes à plusieurs voix, la verticalité des mots permet des rencontres inattendues, justifie l'entrechoquement des mots dépassant ainsi les limites d'un poème horizontal à voix seule.

   Entretien avec l'association le Comptoir des Lettres:

                                                                 

                                                               

 

 

 

 

Le comptoir - Quel moment ou événement de votre vie vous a ouvert à l'écriture poétique ?

Hisashi Okuyama - Écolier, je dois traverser tous les jours un pont pour aller à l'école. Souvent, dans la neige qui frappe

perpendiculairement le visage, malgré cet aveuglement blanc : cette ombre d'amont, je la sens fortement toute la traversée.

Cette présence invisible, c'est la montagne je le sais, mais ce n'est pas la montagne. L'origine intraduisible, le nœud, ou la blessure

à travers la neige me regardait déjà.

 


L. C. - Selon vous la poésie d'une langue peut-elle passer dans toute sa finesse la barrière de la traduction ?

H. Okuyama - Non, c'est autre chose, c'est créer presque une autre poésie, mais déjà la montagne de mon enfance

était intraduisible pour moi...Ce nœud accroché à la gorge n'a pas de nom et peut-être justement pour cette raison,

je continue toute ma vie à écrire uniquement de la poésie pour le nommer chaque fois de nouveau. Sinon la poésie

est impossible (je veux dire si elle est traduisible). Chose curieuse pourtant, en lisant par exemple " Les illuminations",

à part leur finesse différente, je sens exactement la même soif de l'origine chez Rimbaud, même en traduction japonaise. Pourquoi ? 


L. C. - Vous vivez en France, vous écrivez en Français, quelles sont vos influences d'hier et d'aujourd'hui ?

 

H. Okuyama - Hier : la neige de Hokkaido d'abord, puis "Les illuminations", "Un coup de dés", "Les quatre saisons"

(cycle tardif de Hölderlin), "L'idiot" et "Les possédés".

 

Aujourd'hui : les envols et les cris des tas de goélands de Belle-Ile-en-Mer , ses lumières de quartz (la seconde neige pour moi)

et les fugues de Bach . 


L. C. - Quelles sont les passerelles que vous établissez entre poésie, musicalité, scénographie ?

 

H. Okuyama - Dès que l'on énonce la poésie, on entre inévitablement dans les rythmes, les scansions, les ondulations mélodiques,

les saccades, les accords, les désaccords, les césures, les timbres ... Bref sa musicalité orale. Le maintien de l'élévation

exceptionnelle de son avancée est  assurée par le souffle (cela vient de loin) du poète. Ce n'est pas la musicalité dont il s'agit ,

mais c'est déjà le commencement de la musique, à ceci près que derrière les sons, les mots sont fatalement,

inexorablement entraînés par leur sens. L'écriture poétique est une passerelle vers l'oralité, et cette oralité doit tourner picturalement,

se retourner sculpturalement, donner la sensation de l'espace ; cela suppose virtuellement la scénographie, voire la chorégraphie. Effectivement avec mes poèmes muraux, et des peintures, des sculptures et des objets divers

(pierres brutes ou des verres brisés ...), nous avons fait : lectures, installations, danses accompagnées par la musique de Bach...


L. C. - Opposeriez-vous la poésie à dire et celle simplement à lire ?

 

H. Okuyama - Non. C'est simplement cette situation d'un compositeur qui fait ou lit sa propre partition sans piano ou avec piano.

C'est la différence entre l'acte mental de la lecture et celui immédiat sans retour de dire ... et l'oralité demande ici son instrument physique, engagement et temps ... voix, gorge, abdomen dans l'espace. 


L. C. - Comment définiriez-vous l'esthétique Okuyama ?


H. Okuyama - Le poème partition à plusieurs voix, d'un seul tenant : l'intensité, les frappements, les pénétrations,

les ciselures sont exprimés presque à plat sans détour, sans fioritures, par précision, rigueur, retenue, répétitions

(en y insérant des fragments bruts en prose) pour arriver à l'ultime but du poème : les ruptures des éclats, leurs déchirures,

jusqu'à la dissonance des ébranlements célestes. 


La violence retenue est plus qu'une violence et cela est ici uniquement pour augmenter davantage l'harmonie céleste.

Autrement dit, à l'issue de ces ruptures poétiques naissent -comme presque par inadvertance - un raffinement et

une grâce inattendus. 


L. C. - Existe-t-il des items récurrents qui nourrissent votre création ?

 

H. Okuyama - Oui, la roue -toujours la même et toujours différente- la roue des "crissaillements",

 la roue des entaillements quartz par exemple ou neigifériques...


L. C. - La poésie moderne est souvent qualifiée d'élitiste voire confidentielle , quel avenir lui voyez-vous ?

 

H. Okuyama - L'élévation poétique n'est maintenue qu'intérieurement pour chacun. Je viens de rentrer-, par exemple,

de la côte sauvage, toujours impressionné par la roue des "crissaillements" (cris des oiseaux de mer ) et à la maison, la même

intensité des éclats, je la retrouve en écoutant les fugues de Bach et je voudrais moi aussi fixer la même chose sur le papier.

Est-ce à dire que cette attitude élitiste ou confidentielle se referme sur elle-même, sans avenir ?

 
L. C. - Beaucoup se targuent d'écrire de la poésie, bien peu la lisent réellement, et encore moins en achètent, boudée par les éditeurs, largement ignorée par les distributeurs, peut -on en vivre  aujourd'hui ? 


H. Okuyama - La poésie a toujours été lue, je crois, et souvent, souterrainement profondément appréciée par si peu de gens.

Il en est ainsi aujourd'hui : ces moments presque de prière -"l'invisible vient dans la vision. L'inexprimable vient dans la parole."-

appartiennent à nous pauvres ou au moins aux happy few (de Stendhal),ces moments entre "fleurs ou douleur"-d'amour 

 


 

Marches sur la côte de Belle-île

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